Les fosses carolines by Cavanna François

Les fosses carolines by Cavanna François

Auteur:Cavanna, François [François, Cavanna]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique
Éditeur: Belfond
Publié: 2015-05-25T04:00:00+00:00


NEUVIÈME CHAPITRE

Et donc ils ont franchi le fleuve Danube, ils chevauchent maintenant en pays avar, ils suivent la rive gauche en remontant le cours de l’eau, à la queue leu leu, sur un aride sentier de halage. Vient d’abord, ainsi qu’il sied, l’écuyer Raymond portant haut et droit le gonfanon aux couleurs de son chevalier mi-parti sang et or avec au milieu la silhouette d’un dragon dressé, gueule béante et crachant flammes, une bête bien terrifiante{45}. Derrière lui vient, sur le destrier Vif Éclair, le chevalier Renaud armé en guerre, la lance au poing, le heaume éclatant enfoncé bien à fond sur la coiffe de la broigne d’acier bleu qui l’enveloppe tout entier, le visage excepté{46}. La chaleur, là-dessous, lui fait souffrir bien des tourments, et du nasal de son heaume la sueur cascade comme la pluie d’une gargouille un soir d’orage. Mais fière allure, certes !

Ensuite vient le cheval aux bagages et, derrière tout le monde, la femme slavonne sur son petit cheval mongol à la grosse tête. Guéza était de très bonne humeur, ce matin. Quand il les a vus partir dans le clair soleil, et la femme, derrière, à pied, qui se tenait à la queue du cheval de somme, il a ri à s’en péter la mâchoire et a envoyé un de ses vauriens mener un cheval pour elle. La femme n’a pas souri, la femme n’a dit ni au revoir ni merci, elle a enjambé le cheval et s’est assise dessus comme sur un tabouret à traire les vaches, elle lui a donné du plat de la main une tape sur le cou, elle a claqué de la langue et elle a crié : « Tiaï ! » Le cheval a pris le petit trot pour aller se mettre à sa place derrière les autres, modestement.

Une rivière s’était présentée, qui se jetait dans le Danube et qu’il fallait passer à gué. La femme avait poussé sa bête en avant et, sans hésiter, avait montré où était le gué. Le petit cheval à la grosse tête avait posé délicatement son pied sur les pierres propices. Après lui, les autres avaient fait de même. La rive d’en face atteinte, la femme avait repris sa place en queue de colonne.

— Tu as vu, chevalier ? Elle monte comme un homme, à cuisses ouvertes !

— Elle se tient en tout cas mieux que certains hommes, dirais-je.

— Et à cru ! Jambes nues ! Elle va avoir les cuisses en sang.

— Oh, ces chevaux-là sont bêtes de froid pays. Ils ont le crin duveteux comme laine de brebis… Il n’empêche qu’une dame ne saurait monter ainsi. Absolument pas. Fi !

— Sauf les filles du roi Karl. Surtout Gudrude. Il faut la voir, à la chasse ! Plus enragée qu’un chien de meute… Je me souviens de l’avoir vue, moi, achever une biche d’un coup de dents. À la gorge, hagne donc ! Elle riait ! Le sang lui coulait de chaque côté de la bouche.

— Une fille du roi Karl n’est pas forcément une dame.



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